Les Garifunas
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5 juin 2018
Les đ caribĂ©ennes semblent ĂȘtre un incontournable du Honduras. Nous avons le choix entre Utila, Roatan, Guanaja et Los Cayos Cochinos. AprĂšs consultation des diffĂ©rents avis sur internet et suite Ă notre rencontre avec les argentins de « Creciendo en el camino », nous optons pour la visite de Los Cayos Cochinos. Câest certainement lâarchipel le moins exploitĂ©, le plus sauvage, celui oĂč nous aurons le plus de chance de rencontrer « lâauthenticité ».
Câest ici que nous allons Ă la rencontre des Garifunas que nous avions dĂ©jà « approchĂ©s » dans la petite ville de Livingston au Guatemala.
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En 1635, des navires nĂ©griers font naufrage au large de lâĂźle de Saint Vincent aux Antilles.
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Plusieurs esclaves rĂ©ussissent Ă Ă©chapper Ă la mort et se rĂ©fugient Ă Saint Vincent. Les habitants amĂ©rindiens Arawaks (ou CaraĂŻbes) accueillent les rescapĂ©s et leur permettent de sâinstaller sur leur Ăźle.
La nouvelle selon laquelle le « paradis » existe bel et bien sur une ßle des Antilles pour les « esclaves marrons » se répand rapidement. La plupart des réfugiés épousent des Caraïbes. Un nouveau peuple naßt, les Caraïbes Noirs par opposition aux Caraïbes Rouges (allusion aux peau rouge du Canada = indiens).
Les Caraïbes Noirs ou Garifunas se métissent et adoptent non seulement la langue mais également les coutumes et le mode de vie des Caraïbes Rouges.
En 1700, les relatons se dĂ©tĂ©riorent entre les CaraĂŻbes si bien que pour Ă©viter les tensions, lâĂźle est scindĂ©e en deux.
1719 : les Caraïbes rouges autorisent les français à établir une colonie.
Entre 1763 et 1783, lâĂźle de Saint Vincent fait lâobjet de convoitise de la part des anglais.
Les Garifunas réussissent à les repousser.
En 1782, le traité de Versailles accorde aux anglais la possession de Saint Vincent et les Garifunas sont livrés à leur pire ennemi.
Ne supportant pas que les Noirs soient libres et puissent vivre comme des Blancs, les anglais décident de liquider les populations indésirables en les pourchassant, en brûlant leurs maisons.
1796 : le gouvernement anglais dĂ©porte 4 300 Garifunas sur une Ăźle dĂ©serte antillaise. La moitiĂ© meurt en raison des mauvaises conditions de dĂ©tention et dâalimentation.
La mĂȘme annĂ©e, 5 000 Garifunas sont embarquĂ©s et larguĂ©s sur lâĂźle hondurienne de Roatan, occupĂ©e par les espagnols. Plus de la moitiĂ© pĂ©rissent au cours de ce long voyage.
Beaucoup de descendants de Garifunas vivant en AmĂ©rique centrale ont conservĂ© leur langue et leur culture. En revanche, ceux rĂ©fugiĂ©s aux USA ou ceux restĂ©s sur lâĂźle Saint Vincent ont perdu dĂ©finitivement les leurs.
La plus grande concentration se trouve au Honduras (98 000). La langue a encore une base amĂ©rindienne avec des mots dâorigine africaine, française (210 mots), anglaise (50 mots), espagnol (210 mots). Il sâagit lĂ de lâhĂ©ritage linguistique des guerres qui se sont dĂ©roulĂ©es contre les envahisseurs europĂ©ens.
20% de la population est illettrée ou semi illettrée.
Les gouvernements ne font malheureusement aucun effort pour sauvegarder cette culture.
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Câest aujourdâhui que nous rejoignons Sambo Creek, un tout petit village de pĂȘcheurs en bordure de mer. Nous y arrivons en dĂ©but dâaprĂšs-midi. Tout est fait de bric et de broc đŻ. La pluie qui tombe depuis une heure maintenant rend les rues boueuses et pas vraiment agrĂ©ables ! On ne peut pas dire que le cadre soit idyllique certes, mais les quelques habitants rencontrĂ©s rĂ©pondent volontiers Ă nos signes de mains đ.
En fait, nous sommes ici car nous recherchons un propriĂ©taire de lancha qui voudrait bien nous emmener aux Cayos Cochinos. Malheureusement, il nây a quasiment aucun touriste et les đ€ ne partent quâavec six personnes Ă bord. On est « mal barré » đš. On a une demi-journĂ©e pour trouver la solutionâŠ
Nous nous installons dans lâenceinte fermĂ©e et gardĂ©e de lâhĂŽtel Helenâs. Juste Ă cĂŽtĂ©, nous rencontrons un gars Ă qui nous faisons part de notre volontĂ© dâaller aux cayos. Il se propose de nous y emmener dĂšs le lendemain si la mĂ©tĂ©o est favorable. Tomas est installĂ© au Honduras depuis quelques annĂ©es. Il possĂšde avec Gretchen, sa compagne, une trĂšs jolie maison au bord de la plage. AmĂ©ricains, ils sont originaires... dâHawaĂŻ. Il nous montre le bateau entreposĂ© dans sa propriĂ©tĂ©.
Nous nous mettons dâaccord sur le prix qui finalement diffĂšre peu de la lancha collective. Rdv est pris pour le lendemain Ă 7 heures 30.
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6 juin 2018
6 heures 45 : le â° nous tire de notre sommeil.
Ăric jette un đ par la fenĂȘtre de notre « chambre ». Le ciel est bleu, on peut y aller.
Quelques affaires dans notre baluchon et on rejoint Tom. Sans tarder, le bateau est mis Ă lâeau.
AprĂšs une heure de navigation, nous arrivons dans lâarchipel de Los Cayos Cochinos, composĂ© dâune douzaine dâĂźles plus ou moins grandes, dont certaines sont habitĂ©es.
Quelques đŽ et une cabane trĂŽnent fiĂšrement sur lâĂźlot posĂ© sur une eau translucide qui invite Ă la baignade.
Ces Ăźles faisant partie d'une rĂ©serve marine protĂ©gĂ©e et ayant Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©es « Monument Naturel Marino », nous nous arrĂȘtons sur autre Ăźlot pour nous enregistrer et payer une taxe d'une dizaine de dollars.
Câest un plaisir de se « mettre Ă lâeau » dans un endroit aussi prĂ©servĂ©. Le snorkelling nâest pas exceptionnel mais nous permet toutefois dâobserver de jolis coraux et quelques poissons multicolores.
Tom est Ă notre Ă©coute et se rĂ©vĂšle ĂȘtre un capitaine super sympa, comme bon nombre dâamĂ©ricains que nous avons rencontrĂ©s au cours de notre voyage, oserions nous dire !
Toujours curieuse de voir comment fonctionnent les Ă©tablissements scolaires, et sachant que certaines Ăźles sont habitĂ©es, câest tout naturellement que je demande Ă Tom oĂč sont scolarisĂ©s les enfants. Il y a effectivement une Ă©cole sur la plus grande Ăźle.
« We can go Tom ?
- Yes of course ! »
Nous mettons le cap dans cette direction. Nous accostons sur le ponton du village.
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Ici, pas dâeau courante, Ă©lectricitĂ© solaire uniquement !
Nous marchons sur le sable entre les maisons de bois aux toits de palmes et de tĂŽles.
Les hommes rentrent de la pĂȘche.
Des cris, de lâanimation, câest lâheure de la rĂ©crĂ©ation... Nous approchons de lâĂ©cole. En nous voyant, certains enfants se dirigent spontanĂ©ment vers nous. Les moins farouches viennent nous serrer la main. Les autres nous regardent timidement mais nâattendent quâun signe pour sâapprocher. Tout le monde a le sourire aux lĂšvres. Certains portent une tenue. Une corde Ă sauter, un jeu de balle. Ils sont beaux, plein de vie.
Le maĂźtre nâest pas loin.
Quel plaisir de bavarder avec Francisco ! Il a un regard bienveillant et empreint de bonté.
Il est Garifuna. Il nâĂ©tait absolument pas destinĂ© Ă lâenseignement et voulait ĂȘtre mĂ©canicien auto ! Son pĂšre lâa poussĂ© dans cette voie et cela fait... 33 ans quâil veille sur les petits bouts du cayo. Un maestro pour 42 enfants ĂągĂ©s de 4 et 15 ans !
Il nous apprend que dans le pays, lâĂ©cole est obligatoire mais que les enfants viennent ou pas, câest au bon vouloir des parents et... des Ă©lĂšves. La plupart habitent dans les Ăźles voisines et font le trajet matin et soir en barque. Les tenues, les manuels, les crayons sont Ă la charge des familles. Vu le niveau de vie de ces populations oubliĂ©es de tous, cela semble impensable.
Francisco a assistĂ© Ă lâĂ©volution de SON Ă©cole.
Il nous explique comment un bienfaiteur amĂ©ricain, encore un, oserions nous dire une deuxiĂšme fois, a permis de passer dâun simple toit recouvert de palmes soutenu par quatre poteaux, il y a trois dĂ©cennies, Ă une jolie petite Ă©cole dans un bĂątiment en adobe recouvert de peinture verte.
Il nous montre fiĂšrement les deux salles de classe dans lesquelles prennent place de jolis bancs dâĂ©colier, des petites tables, des tableaux noirs, des mappemondes... Il y a mĂȘme une salle informatique, mais avec un petit sourire il nous explique que... rien ne fonctionne !
Quelle Ă©motion de voir cet homme dĂ©gager tant dâamour pour SON Ă©cole et pour SES Ă©lĂšves.
On a droit à un formidable « au revoir » en langage Garifuna de la part de tous les élÚves.
Frustrée une fois de plus, de devoir repartir !
Tom nous attend sagement allongé dans la lancha.
Nous passons Ă proximitĂ© dâĂźles privĂ©es paradisiaques appartenant Ă des... barons de la drogue ! On passe notre chemin !Â
En revanche, on fait une halte sur un magnifique petit Ăźlot peuplĂ© de Garifunas. On a un trĂšs beau tableau devant les yeux. Un village posĂ© sur un « tas » de sable blanc, des barques de pĂȘcheurs alignĂ©es sur la plage, une eau transparente, pure et des gamins qui jouent... Dâailleurs pourquoi ne sont-ils pas Ă lâĂ©cole ? Le micro village est un enchevĂȘtrement de ruelles ensablĂ©es et de cahutes de bois obscures. Aucune pression touristique. Câest plutĂŽt « Peace and Love » âïž. Nous discutons avec les habitants du village fiers de nous citer quelques mots de français identiques dans le langage garifuna.
DĂ©jĂ 15 heures. Il ne faut pas tarder car le vent se lĂšve et il nous faut rentrer. Nous risquons dâĂȘtre confrontĂ©s aux vagues qui commencent Ă se former !
Une chose est certaine : Los Cayos Cochinos marqueront notre séjour au Honduras tant par la beauté des lieux que par la communauté attachante des Garifunas qui y vit.
La houle est maintenant formĂ©e. Notre capâtain surfe sur les vagues avec beaucoup de dextĂ©ritĂ©. Les reins sont mis Ă rude Ă©preuve dans notre « coquille de noix » mais ce nâest rien comparĂ© Ă ce qui nous attend !
Nous nâavons pas de ponton pour accoster, il va falloir « jouer fin ». Tom nous demande de mettre notre baluchon Ă lâabri car on risque de « se prendre » des paquets de flotte. Merci capâtain de nous avertir.
Et câest parti pour lâaccostage ! On attend quâil y ait des hommes sur la plage pour nous aider dans les manĆuvres. En voilĂ , un, puis deux, puis trois ! Gooooooooo ! Il faut que le bateau se prĂ©sente « de cul » pour pouvoir ĂȘtre treuillĂ© sur sa remorque installĂ©e sur la plage.
RÚgles élémentaires : sauter au bon moment, du bon cÎté et ne pas se prendre de rùteau !
Les trois honduriens rentrent dans lâeau jusquâĂ la taille pour maintenir le bateau qui lui ne se pose pas de question et va lĂ oĂč les vagues lâemmĂšnent. Ils sont rejoints par Ăric et Tom. Tous maintiennent lâembarcation dans une position adĂ©quate. Gretchen et moi armĂ©es de pelles tentons de casser le sable qui forme une grosse marche et qui empĂȘche le bateau de monter sur sa remorque. La bataille dure une bonne quinzaine de minutes. Hourra đđȘâïžđ, la bataille est terminĂ©e pour nous, enfin ils ont eu raison des Ă©lĂ©ments. LOL.
Câest en buvant une bonne đ» que nous nous remettons de nos Ă©motions. LâaprĂšs-midi se termine dans la piscine.
Tom et Gretchen sont adorables et la discussion va « bon train », en anglais, en espagnol, les deux Ă la fois. Nous dĂźnons finalement en leur compagnie. Gretchen nous concocte un plat HawaĂŻen Ă base de poisson, prĂ©cĂ©dĂ© de toasts de langouste, le tout accompagnĂ© de vins chiliens ! Câest juste excellent ! On ne savait pas que les amĂ©ricains pouvaient cuisiner des plats si savoureux !đ« Sorry, itâs just a joke, Gretchen ». Notre super journĂ©e sâachĂšve par une fabuleuse soirĂ©e passĂ©e en compagnie de nos hĂŽtes dâun soir !
Nous nous quittons le lendemain autour dâun cafĂ© âïž accompagnĂ© de đ!Â
Merci Ă tous les deux pour votre accueil. Ce fut un rĂ©el plaisir de vous connaĂźtre et nous espĂ©rons bien vous revoir !Â
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Laurent (mardi, 12 juin 2018 15:44)
Magnifique!!! Magique, extraordinaire, vous profitez de moments, de rencontres, uniques et inoubliables!!!
Bisousss...
Nous deux (samedi, 16 juin 2018 01:13)
Merci Laurent...
et bonne journée