Le canal est la route qui unit le monde

C’est le 1er août 2018 dans la soirée que nous arrivons à Panama City.

Nous avons pris soin de faire laver Chouchou (notamment le bas de caisse) et de faire des copies de passeports, carte grise, permis d’importation temporaire, permis de conduite, assurance...

Demain, c’est en effet le grand jour. Chouchou est inspecté par les autorités panaméennes pour son départ vers la Colombie prévu le 11 août 2018.

On trouve un petit endroit tranquille pour coucher près de la marina Balboa, l’un des points d’entrée sur le fameux canal pour les embarcations qui arrivent du Pacifique. Nous sommes à cinq kilomètres de la DIJ (Department Investigation Judicial) où Chouchou va devoir ouvrir son capot.

On assiste au coucher du soleil sur le Pont des Amériques qui enjambe le canal.

 

2 août 2018. L’inspection

Déjà 6 heures... Il faut y aller. 😴

L’inspecteur ne « prend » que 25 véhicules par jour. Premier arrivé, premier servi... Sinon il faut revenir le lendemain.

On ne sait pas trop en quoi consiste cette inspection : vérification du numéro de série... mais encore ?

On arrive dans un quartier, disons... populaire, limite bidonville.

6H45 : un grand parking grillagé dans lequel « s’entassent » des véhicules, capot ouvert.

Un bref calcul... ça devrait le faire ! Pour nous, c’est le...14.

8H15 : « numéro 5 » ! L’attente promet d’être longue.

8H30 : numéro 6. Et si on se faisait un petit ☕️ Déguster un « arabica » de Nescafé dans un endroit si bucolique... 😋 on en rêvait ! Et bien... on l’a fait 💪 !

9 heures : « numéro 14 !

- C’est nous, c’est nous M’sieur » ! 😁

Une minute, chrono en main, c’est déjà fini ! Tout ça pour si peu ! « El inspector », fort sympa, a simplement vérifié le numéro de série et « nada mas » en nous souhaitant un « Buen viaje » !

A 14 heures, on récupère le fameux sésame dans un autre bureau de la DIJ. Chouchou peut quitter le territoire panaméen ! 💪

Les formalités accomplies, on peut enfin se consacrer à la visite de la capitale.

 

La ville moderne

On l'appelle le « Dubaï latino » en raison des immeubles de plus de 50 étages qui ont poussé comme des champignons ces dernières années. Bienvenue à Panama City !

Sans être particulièrement attirés par les grandes villes, on doit avouer que celle-ci nous charme.

Depuis la péninsule d'Amador...

Depuis le quartier de Casco Viejo...

Depuis le Cerro Ancon...

 

 

 

 

 

 

 

 

On ne remarque qu'elle, cette tour à l'architecture originale 😱 ! On se perd dans la capitale trépidante pour tenter de l’apercevoir. C’est la F&F Tower, haute de 243 m. En la voyant, on comprend mieux pourquoi elle est surnommée « El Tornillo », autrement dit « La Vis » !

 

La vieille ville

Les gratte-ciels côtoient le quartier historique de Casco Viejo. Le contraste est saisissant.

Situé sur une petite péninsule qui avance dans la baie, c’est l’endroit le plus touristique de la capitale, avec de nombreuses boutiques d’artisanat, restaurants et cafés avec terrasses, quelques hôtels et chambres d’hôtes. Havre de calme et de douceur, nous prenons un réel plaisir à déambuler dans ses ruelles étroites bordées de maisons colorées.

On ne peut que s’arrêter devant les bâtisses, mélange de Cuba, de Louisiane et de Panama ! Tel que nous le découvrons aujourd’hui, c’est un quartier plutôt bourgeois où les établissements huppés, propriétés de riches américains ou européens, côtoient les immeubles délabrés d’une valeur architecturale inestimable en attente d’investisseurs ! Les rénovations dont font l’objet ces vieux bâtiments laissent présager ce que sera le quartier dans quelques années : un musée à ciel ouvert !

L'ancienne place d’Armes coloniale a été réaménagée pour rendre hommage à la tentative vaine du percement de l’isthme par les Français. Au fond de la place, un obélisque au sommet duquel trône un fier coq gaulois qui regarde vers le canal et la France ! Sa base est entourée des bustes de personnages ayant joué un rôle majeur dans « el esfuerzo francés » (l’effort français) mené par Ferdinand de Lesseps et tant d’autres ingénieurs.

En limite de ce lieu branché, une zone « non aseptisée » avec des maisons bariolées de type caribéen, les enfants jouant dans la rue et les adultes discutant sur les pas de porte.

Que de différences malgré la proximité !

Le problème avec Chouchou est qu’il suit toujours les indications de maps.me et que nous nous retrouvons quelquefois dans des quartiers où il ne fait pas bon traîner ses pneus 🤢 ! Parfois, on se fait des petites frayeurs 😬. On verrouille alors les portes, on avance en espérant ne pas être bloqué par un véhicule. Ce sont des craintes souvent infondées mais prudence oblige !

 

Le Canal de Panama

Nous voilà replongés dans nos cours d’histoire à moins que ce ne soit ceux de géographie ! 🤔

Notre première approche se fait par le très beau Pont des Amériques qui enjambe le canal de Panama.

Cet ouvrage titanesque, symbole de tout un pays le traverse du nord-ouest au sud-est sur près de 80 km. Il relie l’Atlantique au Pacifique et permet aux gros porteurs de ne plus « affronter » le détroit de Magellan ou le Cap Horn pour les plus vaillants (LOL) à la pointe sud du continent.

 

 

 

Mais la construction de ce monstre de technologies n’a pas été des plus facile.

 

Milieu du XIXe siècle : 

Des filons d’or sont découverts en Californie. Les chercheurs d’or en provenance de l’est des Etats-Unis et de l’Europe préfèrent éviter de se rendre au Far West par les dangereuses plaines nord-américaines où vivent de redoutées tribus indiennes (Cheyenne, Sioux, Apache...).

L’isthme qui est la partie la plus étroite du continent devient la route principale de ces aventuriers. Après un long voyage en bateau sur l’océan Atlantique, les prospecteurs doivent compter encore sur une bonne semaine de pirogue et de marche pour rejoindre la côte Pacifique. La traversée est longue et dangereuse.

1850 :

Une voie de chemin de fer est créée pour relier les deux océans en 4 heures.

(C'est d’ailleurs encore aujourd’hui le seul train au monde qui permet de passer de l'océan Pacifique à l'océan Atlantique).

Bilan : plus de 12 000 ouvriers trouvent la mort sur les traverses en raison du paludisme, du choléra et des conditions de travail.

C’est alors que les ingénieurs américains et européens se lancent un nouveau défi 🤔 :

traverser l’isthme sans avoir à quitter le bateau...

Le succès de la construction du canal de Suez est dans tous les esprits.

Le « vainqueur de Suez » alias Ferdinand de Lesseps est chargé du chantier pharaonique.

1881 :

Les travaux sont lancés. Mais le « grand français » n’a pas prévu que le climat et les sols ne sont pas les mêmes sous les tropiques que dans le désert égyptien.

Les pluies, les glissements de terrain, les maladies inconnues en Europe véhiculées par les moustiques (paludisme et fièvre jaune) et les difficultés financières ont raison du grand projet de canal.

Bilan : 22 000 morts, un coût de 1,4 milliards de francs pour un chantier inachevé et l’un des scandales politico financier (mensonges, corruption) les plus graves qu’ait connu la France sous la IIIème République.

1904 :

Les États Unis reprennent le chantier du canal après d’âpres négociations.

Hésitation : Le canal doit-il se faire au Panama ou au Nicaragua ?

 

 

Anecdote :

À l’époque un timbre-postal du Nicaragua représente un volcan couronné de fumée, témoin officiel de l’activité volcanique de l’isthme de Nicaragua.

Un simple timbre serait-il à l’origine de la construction du Canal à... Panama ! 

Tenant compte des erreurs passées et avant l’excavation, les travaux commencent par la pose de moustiquaires, la chasse aux eaux stagnantes et la fumigation dans les zones marécageuses… Les travailleurs prennent à titre préventif et curatif de la quinine, que l’on mélange à de la limonade. Grâce à toutes ces précautions, les maladies sont quasi éradiquées. Même le Gin Tonic apparaît !

15 août 1914 :

Alors que l’Europe se jette dans la guerre, le vapeur Ancón effectue la première traversée officielle du canal de Panamá.

Bilan : 5 000 victimes en dix ans.

Bilan total : 27 000 victimes pour l’ensemble des travaux depuis 1881.

Cette prouesse technologique est considérée à l’époque comme la huitième merveille du monde en raison de ses réalisations spectaculaires !

31 décembre 1999 :

Les Etats-Unis se désengagent. Panama assume à partir de cette date l'entière gestion du Canal.

 

Ce jour, 3 août de l’an de grâce 2018, nous sommes devant l’écluse de Miraflores, à l’endroit même où, il y a un peu plus d’un siècle, des milliers d’ouvriers ont donné leur vie pour que des hommes puissent passer d’un océan à l’autre sans avoir à quitter leur navire et en toute sécurité !

Gros moment d’émotion et une admiration sans borne pour les ingénieurs et les travailleurs sans qui rien n’aurait été possible.

8 heures

Nous attendons fébrilement l’arrivée d’un navire pour assister aux passages des écluses.

En voilà un 😀

Il est aussitôt pris en charge par un remorqueur qui l’accompagne sur quelques centaines de mètres.

Il met une trentaine de minutes pour s’approcher de l’écluse.

Le navire est ensuite assisté par quatre grosses locomotives électriques de halage, auxquelles il est relié par de solides câbles. Ces « mules » de 50 tonnes et pourvues de deux tracteurs de 290 chevaux travaillent par paires et se déplacent sur des rails situés le long des écluses pour remorquer le navire et le maintenir dans l'axe des chambres.

On patiente encore une quinzaine de minutes pour que le bateau passe l’écluse, le temps qu’elle se remplisse.

Quand l’eau est à niveau, la sonnette retentit et la porte de l’écluse s’ouvre. Le bateau est enfin libéré et peut avancer. La porte se referme et ainsi de suite.

C’est impressionnant de gigantisme, de technologie, de précisions, et de... Waouah ! 😱

 

152 millions de m³ ont été excavés lors du creusement du canal. Avec, on pourrait construire une réplique de la grande muraille de Chine traversant les USA d’Est en Ouest. Si toutes ces excavations de terre et de roche étaient placées sur un train a plate-forme, la longueur du train serait égale a 4 fois le tour du monde !

 

Au cours des dernières années, de nouvelles écluses ont vu le jour (chambres plus larges, plus longues et plus profondes) pour faire face aux dimensions toujours plus géantes des navires.

On ne pouvait donc quitter le pays sans aller jeter un coup d'oeil du côté Atlantique sur les nouvelles écluses d'Agua Clara qui ont été inaugurées en 2016. Le gigantisme est au rendez-vous !

Un bateau chasse l'autre... Et de plus en plus gros !

Mais un autre problème se pose et il est de... taille. Les nouvelles voies restent encore trop étroites pour les cargos les plus volumineux. Il est ainsi question d’une troisième phase de travaux !

Au vu de la rentabilité du canal, 700 $ (600 €) pour un navire de moins de 14 mètres, 317 000 $ (275 000 €) pour le porte conteneur MSC Fabienne en mai 2008 (péage le plus élevé), 0,36 Cents (0,30 €) pour Richard Halliburton qui traversa le canal à la nage en 1928 en 14 jours (péage le plus faible), ce nouvel élargissement de « la route qui unit le monde » a de belles chances de voir le jour malgré les conséquences négatives sur l’environnement et les communautés qui vivent de part et d’autres du canal 🤔

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Commentaires: 6
  • #1

    Lhotelier.. (mercredi, 08 août 2018 23:17)

    Merveilleux historiens vous êtes.
    Merci.
    Bon vent.
    BISES jlj

  • #2

    Nous deux (mercredi, 08 août 2018 23:32)

    Jean-Luc,
    On est obligé de faire des recherches car il ne reste plus grand chose des cours d’histoire, non de géo... en fait on ne sait plus plus, il y a si longtemps! Lol
    Ce qui est marrant avec les français, comme ils ne conaissaient les maladies qui frappaient les ouvriers du chantier, ils pensaient qu’ils étaient piqués par des insectes rampants... ils ont alors décidé de mettre des petits bols d’eau sous les pieds des lits pensant que les insectes ne pourraient pas monter... la seule chose à ne pas faire puisque cette eau stagnante a attiré encore plus les moustiques! Sacré Ferdinand! Lol. Bisoussssss

  • #3

    Laëtitia (jeudi, 09 août 2018 03:02)

    Vous savez qu'avec la terre qu'ils ont enlevés pour creuser le canal, il ont construit le chemin qui relie les trois îles en face de Panama City.

  • #4

    MC 34 (jeudi, 09 août 2018 12:31)

    Toujours passionnant et instructif votre récit!
    Bonne continuation.
    Bisous les aventuriers.

  • #5

    Nous deux (mardi, 14 août 2018 19:09)

    Laetitia: tu parles de la péninsule d’Amador! Non ne savait pas! Merci pour l’îfo. Bisous

  • #6

    Nous deux (mardi, 14 août 2018 19:10)

    Merci Marie... bonne continuation de vacances à tous les deux!